Colloque en présentiel à l’Université Toulouse Capitole – Amphi DAUVILLIER
Site de l’Arsenal – 2 Rue du Doyen Gabriel Marty à 31000 Toulouse ou à distance sur inscription à la visioconférence.

LA COMPLEXITÉ SELON EDGAR MORIN
Quatre propriétés caractérisent la complexité dans la pensée d’Edgar MORIN :
1) La réalité est globale : elle n’est jamais simple ; elle n’est pas réductible à ses parties;
elle ne fait plus sens si on fragmente ses composantes.
2) La réalité est systémique et intersystémique : chaque propriété influe sur les autres composantes;
la réalité se comprend au travers de toutes ses interactions.
3) La réalité est imprévisible dans tous ses effets : l’incertitude et l’aléatoire doivent être acceptés.
4) La réalité est plurielle et contradictoire : seul le dialogue permet d’en harmoniser les oppositions.
Ces quatre caractéristiques de la complexité remettent en cause les modèles dominants de pensée car les méthodologies, généralement enseignées ou pratiquées, visent à exclure la complexité.
Le colloque du 5 juin 2025 à l’université de Toulouse-Capitole nous propose de réfléchir au conflit complexe, et invite les médiateurs à en tirer les conséquences amiables pour améliorer leurs pratiques, tant en solutions qu’en préventions.
En se référant aux quatre caractéristiques de la complexité, ci-avant décrites, MORIN aborde le conflit dans une théorisation fort différente de la manière habituelle de le décoder. Voici pourquoi :
1) Morin critique la pensée simplificatrice qui tend à isoler les éléments, à les réduire à leurs parties, et à chercher des causes uniques et linéaires. Dans le contexte de la médiation, cela signifie :
- Abandon de la recherche de causes uniques : Un conflit n’est jamais la résultante d’une seule cause identifiable. Il est le produit d’une multitude de facteurs interdépendants (historiques, émotionnels, économiques, sociaux, culturels, etc.).
Le médiateur doit donc éviter de se focaliser sur une seule explication du problème. - Reconnaissance de la non-sommativité des problèmes : Le « tout » dans une situation conflictuelle n’est pas la simple somme de ses « parties » (les individus, leurs positions, leurs demandes).
Des propriétés émergentes apparaissent de l’interaction des parties, et ces propriétés ne peuvent être comprises en examinant les parties isolément.
Par exemple, la dynamique relationnelle entre les personnes en conflit peut être plus déterminante que leurs revendications initiales ; les prétentions juridiques de chacun ne correspondent pas au conflit tel qu’ils le vivent. - Éviter la fragmentation du problème : Le médiateur ne doit pas découper le conflit en sous-problèmes distincts sans les relier. Au contraire, il doit chercher à maintenir la reliance entre les différents aspects du problème.
2) Morin insiste pour prendre en compte l’interdépendance et l’interconnexion des phénomènes.
Pour le médiateur, cela implique une réorientation de son approche, en y incluant :
- Vision systémique : Le médiateur doit considérer le conflit comme un système vivant, où chaque élément influence et est influencé par les autres. Les actions d’une partie ont des répercussions sur les autres, créant des boucles de rétroaction (positives ou négatives).
- Compréhension des relations plutôt que des entités isolées : L’accent est mis sur les interactions et les relations entre les parties, plutôt que sur les individualités de chaque personne. La médiation devrait viser à transformer la nature des relations conflictuelles.
- La notion d’écologie de l’action : Chaque action entreprise en médiation, tant par le médiateur
que par les parties, a des conséquences inattendues et parfois imprévisibles.
Le médiateur doit être conscient de ces répercussions potentielles et rester flexible.
3) Morin nous suggère d’accepter l’incertitude et l’imprévisibilité. Car selon lui, la réalité est fondamentalement incertaine et imprévisible. Le médiateur doit assimiler cette incertitude et dès lors
- Gérer l’aléatoire : Le médiateur ne peut pas contrôler tous les paramètres du conflit. Des événements imprévus peuvent survenir, des émotions intenses peuvent émerger. La médiation doit être un processus adaptatif et non rigide.
- Naviguer dans le désordre : Le conflit est souvent perçu comme un désordre.
La pensée complexe nous invite à ne pas chercher à éliminer le désordre, mais à reconnaître qu’il peut être source de créativité et d’émergence de nouvelles solutions.
La médiation peut aider les parties à transformer le chaos en opportunité. - Reconnaissance de la temporalité : Le processus de médiation est dynamique et évolue dans
le temps. Il n’y a pas de solution « pré-écrite » ; elle se coconstruit au fur et à mesure.
4) Morin nous invite à reconnaitre les forces contraires et à les harmoniser par la dialogique et la pluralité.
La pensée complexe est dialogique, c’est-à-dire qu’elle embrasse la coexistence de termes qui, logiquement, sembleraient opposés mais qui sont en réalité complémentaires et nécessaires à la compréhension du tout. Pour le médiateur, cela signifie de faire accepter par les protagonistes les éléments suivants :
- Coexistence des contradictions : Les parties peuvent avoir des points de vue, des besoins et des émotions contradictoires. Plutôt que de chercher à éliminer une des contradictions, la médiation complexe vise à les faire dialoguer, à les comprendre dans leur tension. Par exemple, le besoin d’autonomie et le besoin de lien peuvent coexister chez une même personne ou entre deux personnes.
- Complexité de l’être humain : Chaque protagoniste est un être complexe, à la fois rationnel et émotionnel, singulier et influencé par son environnement.
Le médiateur doit prendre en compte cette pluralité de dimensions. - Ouverture à la transdisciplinarité : La médiation doit s’enrichir d’apports de multiples domaines du savoir (philosophie, psychologie, sociologie, droit, communication, etc.) pour mieux appréhender la complexité du conflit.
En adoptant cette approche, le médiateur offre un processus plus riche, plus nuancé et potentiellement plus efficace pour aider les parties à naviguer dans la complexité de leurs désaccords et à coconstruire des solutions durables.
Pour plus ample information, visiter le site IMEF.BE ou télécharger le document suivant: